RP, PVP et contrat social

Aujourd’hui on va parler d’un problème que je rencontre assez régulièrement, notamment sur les jeux massivement multijoueur. Petite mise en contexte : mon ami Nighdor et moi-même étions en train de jouer à Miscreated, petit jeu de survie en milieu zombie fort sympathique. Voilà bien 20 minutes que nous crapahutons à travers la carte à la recherche de survivants. Soudain, un autre joueur, armé jusqu’au dent, surgit de derrière une maison.

NIELS : Ah, y’a un mec !

NIGHDOR (dans le roleplay le plus absolu) : Bonjour survivant ! Sais-tu où se trouve la ville la plus proche ?

TAKATAKATAKATAKA

Le survivant vida alors son chargeur sur les deux cibles faciles que nous faisions. Après ce non-dialogue, il récupéra notre stuff (aussi maigre soit le butin) et continua sa route.

D’où vient le problème ici ? Et bien du fait que le survivant et nous ne jouons pas au même jeu. Nous n’en avons pas les mêmes attentes. C’est ce qu’on appelle le contrat social.

C’est quoi le contrat social ?

Le contrat social représente tout ce qui est inhérent aux membres d’un groupe participant à une activité commune, ici une partie de jeu vidéo en ligne. Il permet donc aux joueurs de se mettre d’accord sur leurs attentes vis à vis du jeu, leur niveau d’immersion, les limites du jeu, etc. De ce contrat social découle plusieurs théories qui tentent de classer les joueurs selon leurs attentes. En effet, certains joueurs privilégient le roleplay et le team play ; quand d’autres préfèrent la compétition et le challenge.

Richard Bartle avait proposé, dans son article HEARTS, CLUBS, DIAMONDS, SPADES: PLAYERS WHO SUIT MUDS, une taxonomie de joueurs basée sur leurs styles de jeu et leurs attentes en terme d’expérience de jeu.

The Four Bartle Types

Killer : agir sur l’expérience de jeu des autres joueurs. Les killers vont avoir tendance à entrer dans un rapport de force avec les autres joueurs. Ils tirent plaisir de leur expérience de jeu au travers de la confrontation avec les autres joueurs. Pour amplifier ce plaisir de jeu, ils usent parfois de glitch ou de hack.

Achiver : agir sur le jeu lui-même. Les achivers prennent plaisir à remplir tout les challenges que propose un jeu. Ils chassent les moindres trophés, succés et veulent atteindre les 100%.

Socializer : intéragir avec les autres joueurs. Les socializers jouent pour partager des expériences sociales avec les autres joueurs. Ils ont tendances à privilégier le roleplay et le team play.

Explorer : intéragir avec le jeu, son univers. Les explorers prennent plaisir à découvrir le monde proposé par le jeu et à en comprendre toutes les mécaniques.

Bien évidemment, personne n’est totalement “Killer” ou totalement “Socializer”. Mais nous pouvons définir un joueur selon un mix de ces styles de jeu. Personnelement, je me pense entre le Socializer, l’Explorer et le Killer. Mais l’Achiever ne correspond pas du tout à ma façon de jouer. Tenez, si ça vous intéresse, vous pouvez passer le test, juste ici.

Il existe bien d’autres taxonomies de joueurs, mais celle-ci illustre bien mes propos. Il existe également une théorie propre au jeu de rôle : la théorie LNS. Mais on reparlera de tout ça un autre jour.

Pourquoi ça bloque ?

Retournons à notre partie de Miscreated. Nighdor et moi-même avions l’intention de jouer roleplay ; jouant pleinement notre rôle de survivant, prêt à aider nos semblables et à résister face à la horde. Bien évidemment, tuer un autre joueur peut nous arriver, mais uniquement après une embuscade minutieusement préparée ou après un virulent échange de noms d’oiseaux.

Notre ami le survivant, lui, est là pour dominer sur la map. Son expérience de jeu, il la vit au travers de son opposition à l’autre. Il tue avant d’être tuer et met ses compétences de joueurs à rude épreuve.

Attention. Son style de jeu n’est pas moins bien ou mieux que le notre. Il est seulement différent. Et c’est bien pour ça que l’on ressent de la frustration face à certains joueurs. Nous ne jouons pas au même jeu et ne pouvons donc pas cohabiter sur le même serveur (C’est pour cela qu’il existe des serveurs se voulant RP et d’autres PVP).

S’ouvrir à un autre style de jeu

Il y a un style de jeu bien particulier, propre aux Killers, qui ne fait vraiment pas bon ménage avec la majorité des joueurs. C’est la triche. En effet, comme l’explique Manuel Boutet dans son article Jouer aux jeux vidéo avec style. Pour une ethnographie des sociabilités vidéoludiques : il faut voir la tricherie comme un style de jeu à part entière.

Prenons l’exemple du célèbre Grand Theft Auto. Depuis ces débuts, la licence propose des codes de triche peremttant de faire apparaître véhicules et armes surpuissantes, de défier les lois de la gravité ou encore de rendre son personnage invicible. Nous avons tous un jour résisté pendant des heures à des hordes de policiers, au volant de notre taxi volant (et oui). Mais depuis l’arrivée de GTA Online, la politique de GTA vis à vis de ce tyle de jeu a bien changé. Bonjour bannissement de hackers/glitchers et politique de délation mise en avant jusque dans les chargements du jeu.

Les joueurs qui tiraient auparavant plaisir de ce genre d’expériences sont désormais personæ non gratæ. Il y a donc bien une différence dans l’acceptation de ce style de jeu, qu’il se joue en ligne ou en local. Identifier le(s) style(s) de jeu de son public et s’y adapter va devenir, dans les années à venir, un facteur différenciant pour les studios, notamment sur les jeux en ligne et jeux à gameplay émergent.

par Niels Sarys