Dungeon World [B-8] : agrumes et magie noire

La menace gobeline rôde aux portes du comté de Biaggio. Lion l’éclaireur (Dono), Accacius le mage (Mich) et Anastasia la barbare (Zaël) et Cartus le cambrioleur halfelin (Jo) doivent à tout prix trouver de l’aide ou la région risque d’être mise à sac !

Qui veut la paix

Le village de San Paulina s’active. Les plus solides des troncs sont dressés pour former une barricade. Les rares miliciens forment toutes hommes et femmes capables de tenir une arme. Les haches des bûcherons sont réquisitionnées pour aiguisage ; elles feront de bonnes armes. Nos héros apparaissent sur le perron de la maison du bourgmestre. Gwent, leur hôte, fait amené des chevaux frais : “Voici Rathran, Ralawi, Tonnerre et Predator, nos meilleurs chevaux. Puissent-ils vous aider dans votre quête…”. Gwent, une chape de plomb sur le dos, retourne dans sa tanière.

Les aventuriers se préparent. Ils doivent traverser la région pour quérir de l’aide. S’ils échouent, San Paulina sera rasée, et la région sera menacée. Cartus caparaçonne sa monture. Sa bonté l’éloigne de ce pourquoi il est ici, la “patte de lapin”, cet artefact qui octroierait fortune et gloire à son porteur. A ce rythme, son employeur ne le paiera pas. Anastasia déposent ses affaires sur le dos de la jument, un magnifique pur-sang originaire des haras de Keshira. En retrait, Lyon observe l’horizon. Il se perd dans ses pensées. Souvenir d’une main de femme ornée d’un bracelet à tête de loup. “Mère…”, pense le jeune Lyon. ll est tiré de ses rêvasseries par un aboiement poussé par Silver. Cartus et Lyon se dirigent vers la cabane du tanneur avec des requêtes bien particulières : l’éclaireur recherche une armure de cuir adapté à son compagnon à quatre pattes ; le halfelin, lui, aimerait qu’on lui confectionne une cape avec la peau d’orc qu’il a récemment récupéré. Paride, le tanneur, n’y voit pas de problème, mais négocie bien son salaire : “cent cinquante pièces d’or pour les deux pièces, dont cinquante d’avance !”, dit-il. Cartus s’acquitte de l’avance pour lui et son compère. “Repassez dans une bonne semaine, avec la bataille qui se prépare je n’aurai pas beaucoup de temps”, explique Paride en trouant un morceau de cuir avec une aiguille.

Accacius est pensif, la tête dans les paumes. Son bâton a été brisé lors de la dernière escarmouche avec les orcs. Il lui en faut un nouveau. Le magicien pose son regard sur de vieux manches à outil, mais rien ne fait l’affaire. Soudain, il aperçoit un vieillard assis sur un banc, un bâton de marche à la main.

- Bonjour vieil homme, comment allez-vous ?

- J’observe le monde changer… Un grand bouleversement approche…

Accacius observe le vieil homme. Son bâton est tordu, comme ces arbres frappés par la foudre. Autour de son cou flétri, un talisman symbolisant une chouette. Un milicien les bouscule. Accacius grommelle à son passage. Plus de vieillard. Accacius regarde le vide, les yeux effarés. Seul le bâton repose sur le banc. Le magicien le saisit.

Les quatre aventuriers se retrouvent, prêts à faire route. Lyon remarque le teint blafard de son frère : “Qu’y-a-t-il Accacius ?”. Le mage ne trouve pas ses mots. Il bredouille : “… le vieil homme… une chouette… le garde n’a pas semblé le voir…”. Lyon coupe court aux élucubration de son aîné, s’approche de Cartus et lui ouvre les bras. Les deux voyageurs se donne une franche accolade en se souhaitant bon voyage.

Lyon avance vers son frère : “Attention à vous. Et méfie toi de l’ordre d’Othan”. Accacius pose une main encore marquée des précédentes batailles sur l’épaule de son frère. Le magicien prononce quelques mots. Un écho se fait entendre, comme le bruit d’une goutte brisant la surface de l’eau. Lyon entend la voix de son frère, mais ses lèvres ne bougent pas : “ainsi nous resterons en contact”.

Les deux groupes se mettent en route, voyant s’éloigner le village.

Une odeur d’agrume

Les heures passent. Cartus et Accacius avancent vers le campement de l’ordre d’Othan. Leurs chevaux sont lancés à vive allure. Cartus, les yeux braqués sur l’horizon, tire soudainement sur les rennes. Le cheval freine des sabots, laissant une traînée de poussière derrière lui. Un chariot à bras est renversé en travers de la route. Le corps d’un homme repose à quelques mètres. Accacius pose sa main sur l’avant-bras du demi-homme : “Va, ma magie t’accompagne”. Cartus voit disparaître son corps. Il saute de son cheval et se dirige vers le corps inerte. Il tourne le pauvre homme et reconnait aussitôt son visage : le marchand ambulant de San Paulina. Son torse est couvert de plaies, certainement causées par des épieux gobelins. Rien à l’horizon, l’attaque a eu lieu il y a plusieurs heures. Accacius s’approche et dissipe le sortilège d’un mouvement de la main. Cartus lève la tête vers le haut de la route : trois cavaliers fondent sur eux. Ce sont des chevaliers de l’ordre d’Othan. Ils passent à côté d’eux : “Dégagez !”, et continuent vers San Paulina. Cartus et Accacius enfourchent leurs montures et se mettent à leur poursuite.

A plusieurs lieux de là, Anastasia et Lyon approche de Port-Azur. Ils surplombent la ville, déboulant de la forêt bordant les montagnes. Lyon note un changement : plus de monde, plus de bateaux - il se passe quelque chose en ville. Les deux cavaliers descendent jusqu’à la ville. Ils débarquent en pleine festivités : c’est la fête des agrumes. Des hommes tirent de lourdes brouettes d’agrumes jusqu’aux cuves où de jeunes femmes les pressent du pieds. Des marchands interpellent Anastasia : “Madame ! Goûter à la liqueur d’agrume de Port-Azur ! La meilleure du Triumvirat !”. La barbare poursuit sa route sans même leur prêter un regard. Dans la foule, pas un badaud ne fait attention au jeune loup se faufilant aux pieds de Lyon. Les deux héros attachent leurs chevaux sur la place. Un homme, debout sur une caisse d’agrumes, hèle la foule : “Oyez, peuples du Triumvirat ! Le traditionnel tournoi de la fête des agrumes va bientôt débuter ! Venez vous inscrire !” - “Vous là bas ! Voyageurs ! Tentez donc votre chance !”, dit le gentilhomme en s’approchant de Lyon. L’éclaire commence par décliner l’offre, mais Anastasia ne manquerait pas une occasion de prouver sa bravoure. Répondant aux provocations d’un groupe de marins avinés, elle décide de participer. Un dénommé Gabrijel, s’avance vers elle, la défiant du regard.

- “Tu veux te prendre une rouste ?”, dit Anastasia, rictus aux lèvres.

Lyon reniflant une occasion de faire de l’argent, s’avance vers eux.

- “Et si nous organisions un petit combat ? Je prend les paris !”

Une main se pose alors sur son épaule. C’est celle du bourgmestre de Port-Azur.

- “Voyons, voyons ! Il y a un temps pour tout ! Ils régleront cela durant le tournoi. Vous allez participer vous aussi jeune homme ?”, questionne le bourgmestre en présentant un clin d’œil à l’éclaireur.

Lyon lui lance un sourire gêné. Anastasia lui assène un grand coup de coude dans les côtes : “Bien sur qu’il va participer !”.

Interrogatoire musclé

Trois sombres destriers attendent près d’une chaumière isolée en bordure des bois. Cartus et Accacius s’arrêtent. Les cavaliers qu’ils poursuivaient y sont entrés. Le voleur s’approche de la fenêtre. Dolmus et ses hommes sont en train de malmener un vieil homme : “Que leur as-tu dis ?! Répond !” ordonne le commandeur en serrant la gorge du paysan. L’homme implore qu’on le relâche. Une jeune femme est recroquevillée dans le coin de la pièce. Cartus frappe à la porte. Le halfelin entre, présentant un large sourire : “Bien le bonjour commandeur !”. Accacius le suit, paumes en avant pour montrer ses intentions : “Nous nous sommes rencontrés au monastère”.

Dolmus lâche sa proie. Le vieillard tombe à genoux. Le voleur et le mage s’excusent d’interrompre les affaires de l’ordre. Ils expliquent la raison de leur venue à Dolmus. Le commandeur se tourne vers le vieillard.

-“Tuez cet homme, et je vous entendrai”.

Accacius et Cartus se regardent, les yeux écarquillés.

-“Mais… Qu’a-t-il fait ?”, bafouille le voleur.

-“Il a livré les prêtres à l’Oeil Rouge et ne veut pas avouer”, dit Dolmus d’un ton inquisiteur.

Accacius commence à scruter les murs. Une étrange sensation l’obsède depuis qu’il est entré dans la pièce. Il s’avance vers le lit, se glisse en dessous et en sort un petit coffre en or. Cartus n’en croit pas ses yeux, une si belle pièce dans la maison d’un paysan. Le magicien l’ouvre, laissant apparaître de nombreux joyaux. Cartus est comme hypnotisé. Accacius se concentre, plissant ces yeux comme s’il cherchait quelque chose dans l’obscurité. Il pioche une poignée de gemmes. Cartus ressent une étrange envie, dévorant du regard ce trésor. Soudain, les joyaux coulent entre les doigts du magicien, transformés en une boue noirâtre. Cartus recule, horrifié. Il secoue la tête : “Mais ?! Qu’est ce que ça veut dire ?!”

Dolmus attrape une poignée de boue : “Maintenant vous voyez de quoi est capable l’Oeil rouge et sa magie démoniaque. Elle corrompt et pousse au vice”. Le commandeur fait signe à ses deux acolytes : “Emmenez le vieillard, nous retournons au monastère” - puis se tourne vers Accacius et Cartus - “Accompagnez-nous et nous pourrons discuter de cette histoire de gobelins”.

Le groupe ne tarde pas à rejoindre le monastère. L’ordre d’Othan a investi les lieux. Des écuyers sont en train d’enterrer les prêtres assassinés. D’autres réunissent les corps des traqueurs en un immense charnier, avec la volonté de les purifier par le feu. D’immenses tentes ont été dressées tout autour du bâtiment. Dolmus et nos héros entrent dans ce qui servait jadis de bureau au haut-prêtre. Une carte de la région recouvre une grande table. Dolmus se laisse tomber sur une chaise ornée de symboles religieux : “Dites m’en plus sur votre problème de gobelins”. Accacius attrape un pion et le place sur la carte : “Ils sont ici. Un millier de gobelins, trolls et autres créatures, prêtes à attaquer la région”. Dolmus finit par accepter de les aider mais à condition qu’ils enquêtent sur l’Oeil Rouge : “les services d’un magicien nous seront nécessaires pour arrêter ses fanatiques”. Les deux hommes scellent leur accord en s’agrippant l’avant-bras comme le veut la coutume.

Quelques heures plus tard, se sont dix chevaliers de l’ordre et leurs écuyers qui se tiennent prêt à rejoindre San Paulina. Accacius et Dolmus se tiennent devant la grande porte du temple alors que Cartus apprête les montures.

- “Avez-vous déjà entendu parler d’un vieil homme arborant la chouette comme emblème ?”, demande le magicien.

- “Hum. Cela me rappelle la légende d’Elrich, le gardien du pont. C’est une divinité de l’ancienne croyance, peu de monde se rappelle de cette histoire. Elrich protège la passerelle entre notre plan et l’outre-monde. Mais pourquoi cette question mage ?”

- “Je suis certain de l’avoir vu, à San Paulina…”

- “Il s’agirait d’un étrange présage”

Tournoi à Port-Azur

A Port-Azur, le tournoi de la fête des agrumes est sur le point de commencer. On annonce le noms des participants : “Teo, garde de Port-Azur ! Gabrijel, marin de Port-Azur ! Darinka qui nous vient de la belle Keshira ! Le jeune Lyon ! Et enfin, seule dame de la compétition, Anastasia de Damensburg !”. La barbare tressaillit à l’énonciation de sa ville natale. Elle repense au fils qu’elle y a laissé ; aux responsabilités qu’elle a fui.

Le tournoi débute par une démonstration de force. Tous doivent lancer un tronc d’arbre le plus loin possible. Lyon ne brillent pas mais réussissent à rester dans la course. Anastasia lance le tronc à bonne distance. Mais les énormes bras de Gabrijel parviennent à projeter le tronc à une dizaine de mètres, lui permettant de remporter la manche. S’en suit une épreuve de tir à l’arc. Anastasia atteint le centre de la cible. Les autres concurrents ne font pas mieux. C’est alors au tour de Lyon. L’archer expérimenté ferme un oeil. Il retient son souffle. La flèche part se loger dans celle d’Anastasia. La foule hurle de surprise.

La dernière épreuve demande aux concurrents de traverser une corde tendue entre deux pontons jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une personne debout. Lyon est le dernier debout, Anastasia tombant juste avant lui. Une fois les participants sortis de l’eau, les organisateurs annoncent qu’il y a une égalité et qu’il faut la régler par un combat à mains nues. Le bourgmestre annonce à Anastasia et Lyon que leur dernière épreuve les attend. Lyon avale sa salive, craignant la force brute de la barbare. La foule forme un cercle au milieu de la place. Lyon et Anastasia se font face. Comptant sur la ruse, l’éclaireur projette de la poussière en direction de la jeune femme. Elle est aveuglée. Lyon en profite pour lui asséner plusieurs coups. Mais une fois la vue retrouvée, elle frappe sans retenue sur son compagnon de route. Après plusieurs minutes à se tourner autour, la barbare assomme Lyon d’un coup de tête.

L’art délicat du recrutement

Le lendemain, Cartus, Accacius et les hommes de Dolmus arrivent à San Paulina. Très vite, un des chevaliers prend les choses en main, de l’entraînement des miliciens à la supervision des fortifications. Gwent explique aux deux héros que le messager envoyé à Castle Mazin, forteresse du comte de Biaggio, n’est jamais revenu. Le voleur et le magicien ne tardent pas à reprendre la route en direction dudit château.

A Port-Azur, Lyon se réveille difficilement. Il cherche du regard sa partenaire mais trouve que le regard de la charmante jeune femme veillant sur lui. Elle lui indique que la championne a fêté sa victoire au Marin et l’Orange, l’auberge de la ville. Silver bondit sur ses pattes à la vue de l’éclaireur. Lyon ramasse ses affaires et se dirige vers l’auberge.

La vieille taverne est sens dessus dessous. L’aubergiste est en train de ramasser des débris de vaisselle cassée. Il lui indique la chambre : “Votre amie est là haut”. Montant à l’étage, Lyon découvre les ruines d’une soirée de débauche. Anastasia dort à poings fermés, entourée d’hommes et de femmes, tous dans le plus simple appareil. Silver lèche le visage de la barbare qui se réveille en sursaut. Malgré le mal de tête, Anastasia récupère ses affaires, enfile l’armure remportée la veille et retrouve Lyon sur la place. Ils rejoignent le bourgmestre pour lui soumettre une requête : ils ont besoin d’hommes pour lutter contre les gobelins. Ne pouvant rien refuser à la championne, le bourgmestre appelle la foule sur la grand place. Anastasia prononce alors un discours, motivant les villageois à protéger leurs terres. Les gardes de Port-Azur se joignent à eux. Une trentaine de villageois se portent aussi volontaire. Mais il s’agit d’un tas d’ivrognes notoires et de jeunes hommes en quête d’aventure. Lyon jette un regard inquiet vers les hauteurs.

Cartus et Accacius chevauchent à vive allure. A mi-chemin, ils découvrent la carcasse d’un cheval. Des traces de sang s’enfoncent dans les bois. Le voleur suit la trace et ne tarde pas à trouver le corps du messager, criblé de flèches gobelines. Levant les yeux, les deux compagnons découvre un campement gobelin. Ils ne sont pas nombreux, mais Cartus préfère jouer la prudence et poursuivre leur mission. Ils s’éclipsent furtivement et avance vers Castle-Mazin.

Arriveront-ils à vaincre la horde verte ?

Illustration du header by Graphic Node

par Niels Sarys