Dungeon World [B-9] : l'ours et le fou

Lion l’éclaireur (Dono) et Anastasia la barbare (Zaël) font route vers San Paulina avec les troupes de Port-Azur. Quant à Accacius le mage (Mich) et Cartus le cambrioleur halfelin (Jo), les voilà aux portes de Castel-Mazin. Le Comte leur apportera-t-il l’aide tant espérée !

Les portes de Castel Mazin

Deux cavaliers approchent des remparts de Castel Mazin. Les deux silhouettes ralentissent et se présentent aux soldats gardant la grande porte : “Nous désirons voir le Comte de toute urgence !”. Accacius dévoile son visage, sortant une missive de son sac.

- “Le bourgmestre de San Paulina nous envoie”.

Les deux gardes se regardent avec gêne.

- “Nous avons ordre de ne laisser entrer personne. Veuillez reculer !”, dit un des gardes, en serrant le manche de sa lance.

- “Si vous ne nous laissez pas le voir, vous en paierez les conséquences !”, dit Cartus qui semble perdre patience.

Le garde pointe la lance vers le halfelin : “Reculez !” demande à son acolyte d’aller chercher de l’aide. Celui-ci disparaît devant la porte. Le garde tient nos deux héros à distance, une goutte de sueur parcourant son front. Cartus lève les yeux au ciel.

A Port-Azur, les miliciens fraîchement recrutés son sur le départ. Devant l’auberge, Ventis s’entretient avec Lyon :

- “J’ai fait envoyé des missives aux bourgs et villages voisins. Un concile extraordinaire doit être organisé”.

L’éclaireur remercie son hôte, approuvant d’un geste de la tête. Sur la place, Anastasia passe en revue les troupes à sa disposition. Elle qui faisait partie de l’Iris Noir ; la plus puissante armée de nomades ayant foulée les steppes ; la voilà à la tête d’une poignée de soulards et de puceaux. La barbare demande le silence, d’un cri.

- “Demain, vous allez peut-être mourir. Mais vous aurez défendu votre terre”, dit-elle en les fixant un à un dans les yeux.

Son discours n’a pas l’effet escompté. Une aura de peur s’installe dans le troupes.

Gabrijel, toujours aigri par sa défaite au tournoi, s’approche d’Anastasia et Lyon. Derrière lui, plusieurs marins, tatoués jusqu’au sommet du crâne.

- “Dites… On aimerait se joindre à vous, avec les gars. On est que des marins, mais on se débrouille… On doit protéger notre village !”, dit le marin en parlant dans ses dents.

- “Nous ne serons pas de trop”, répond Lyon en serrant la main de Gabrijel.

Anastasia jette un regard suspicieux aux marins mais reste muette.

Peu après, tous se mettent en route : miliciens, marins et gardes de Port-Azur. Ils jettent un dernier regard sur le rivage de Port-Azur.

Un fou dans sa tour

Cartus se tient toujours devant les murailles de Castel-Mazin, une lance pointée sur le thorax. La porte s’ouvre, laissant apparaître un homme à la peau noire, le nez couvert par un foulard cramoisi.

- “Que voulez-vous ?”, dit-il d’un ton étrangement calme.

- “Nous sommes envoyés par Gwent, bourgmestre de San Paulina”, dit Accacius en pointant du doigt la missive tendue par Cartus.

L’homme attrape la lettre et en parcours le contenu dans le silence.

- “Je vois… l’heure est grave”, dit-il au travers de son étoffe.

Accacius et Cartus esquissent un sourire, trouvant pour la première fois depuis longtemps une oreille attentive.

- “Mais nous ne pouvons pas détacher de troupes pour le moment…” complète le mystérieux personnage. “Je compte sur votre discrétion, mais voilà plusieurs semaines que le Comte s’est retranché dans le donjon. Il m’est impossible de mobiliser notre garnison…” dit-il sans s’étendre plus.

- “Retranché ?”, questionnent nos deux héros.

- “Oui, il semble être enfermé avec je-ne-sais quelles ribaudes et ne laisse entrer que les servantes. Il est atteint d’une sévère paranoïa et a verrouillé les deux derniers étages du bâtiment”, explique l’homme à la peau sombre.

Cartus et Accacius proposent leur aide au conseiller du Comte, qui qu’il puisse être. Accacius coordonne la manoeuvre. Rendant le jeune halfelin invisible, il attache un foulard autour de sa taille. Cartus entame l’escalade du donjon. Les quelques irrégularités de la bâtisse lui permettent de se hisser jusqu’au deuxième étage. Accacius demande aux gardes présents de tendre une grande toile de tente pour réceptionner son ami en cas de chute. Mais soudain, un volet claque au dernier étage et une voix retentit : “Enfants de salauds ! Vous n’aurez pas mon or !”. Un vase passe à quelque centimètre de Cartus et vient s’écraser sur le sol.

Tous lèvent les yeux. C’est le Comte, balançant moult objets depuis ses appartements. Cartus esquive les premiers mais une masse sombre apparaît au dessus de lui : une énorme statuette de bronze. Le voleur force in extremis le volet du troisième étage et disparaît. “Il est dedans !”, crie Accacius avant de se précipiter vers la porte principale avec le conseiller du Comte.

Ours et Donjon

Dans les bois bordant les montagnes de Biaggio, Anastasia et Lyon mènent leurs troupes à San Paulina. Silver grogne. Ce n’est pas la première fois qu’il fait remarquer une présence à Lyon. Celle d’un prédateur. L’éclaireur questionne les miliciens : un vieil ours noir terrorisent les habitants depuis des années. Plusieurs sont partis à sa recherche mais aucun n’est jamais revenu. Lyon cogite. S’ils n’arrivent pas à trouver l’appui des hommes, peut-être qu’un ours fera un parfait allié. Expliquant son plan à Anastasia, le groupe décide de faire une pause à proximité d’un petit cour d’eau. Lyon et Silver disparaissent dans les bois. La barbare en profite pour entraîner les troupes à l’art de la guerre. Tous se mettent à la tâche, répétant les mouvements prescrit par Anastasia.

A quelques lieux, Silver se fige devant une flaque de sang. Autour, plusieurs carreaux d’arbalète plantés dans le sol et les arbres. L’ours semble traqué. Lyon envoie son loup prévenir Anastasia et commence à suivre les traces de sang. Il ne tarde pas à trouver une poignée d’hommes faisant face à la tanière de l’ours, une caverne sombre s’enfonçant dans la montagne. Aucun doute, ce sont des chasseurs de prime à en croire leurs armes.

Au camp, une bagarre éclate entre un marin et un ouvrier de l’exploitation d’agrume. La barbare s’interpose, agrippant les deux hommes par le bras. Ce pauvre fou d’ouvrier tient tête à Anastasia. L’ancienne cheffe de guerre sait quand il faut faire un exemple. Elle tire son épée et tranche sa tête d’un geste. La barbare montre son trophée au reste des troupes avant de la planter sur une lance. L’avertissement est donné. L’entraînement reprend dans un silence total. Seul le son des armes s’entrechoquant résonne dans les bois. Anastasia observe, stoïque. Elle sait qu’elle n’en fera pas de grands soldats. Soudain, Silver surgit des buissons. La barbare comprend instinctivement et suit le loup en direction de la montagne.

A l’intérieur du donjon de Castel Mazin, Cartus tâtonne dans l’obscurité. Pas une lampe ne semble allumée. Les meubles sont recouverts d’une épaisse couche de poussière. Des toiles d’araignée parcourent les murs. Le halfelin déverrouille l’accès à l’étage et avance à pas feutré vers le dernier étage. Il gravit les marches et arrive dans un long corridor. Des ombres dansent sous une grande porte. Le voleur continue, cherchant une entrée plus discrète. Il crochète la porte du bureau adjacent et pénètre dans l’ombre.

Accacius et Cartus rejoignent le troisième étage et se précipitent vers les appartements du Comte. Le plancher du bureau craque sous les pieds de Cartus. Une voix retentit tout à côté, telle les paroles d’un dément : “Vous venez voler mon or, enfants de putain ?! Je vais vous saigner !”. La porte entre la chambre et le bureau s’ouvre, venant claquer contre une vieille étagère. Le Comte entre dans la pièce, avançant à petit pas pour ne pas tomber. Cartus se faufile derrière lui, saute sur son dos et l’assomme. Au même moment, la porte de la chambre saute, percuté par le talon des bottes du conseiller : “Mon seigneur ?!”. Dedans, Accacius découvre deux jeunes femmes, recroquevillées sur elles-même. Des montagnes d’or jonchent le sol et de somptueuses corbeilles de fruits reposent sur le lit. Le magicien ressent le même pouvoir que dans cette chaumière, avec Dolmus. Cartus sort du bureau, traînant le Comte.

Négociations musclées

Le vaillant éclaireur sort des bois, dépose son arc, et s’avancent mains en évidence vers les chasseurs de prime. Les arbalètes se braquent sur lui.

- “Que veux-tu voyageur ?”, dit le plus grand des cinq hommes.

- “Bonjour ! Je suis à la recherche de cet ours. Nous pourrions nous arranger ?”, propose Lyon en jaugeant ses chances. “Je vous offre l’équivalent de la prime, et si vous acceptez de travailler pour moi, je vous donnerai un supplément !”

- “On veut bien te laisser l’ours. Mais hors de question de travailler pour toi inconnu”.

- “Dans ce cas, nous n’aurons pas affaire ensemble”, réplique Lyon en fixant les bois alentour.

Ce qui sert de chef aux chasseurs de prime dégaine alors son épée. Mais une ombre gigantesque surgit. La tête du chef s’envole dans un éclat de sang avant de rebondir sur le sol. Son corps se crispe et s’écroule. Tous se retournent et découvrent la barbare toute bardée de fer sur son sombre destrier. Lyon profite de la surprise pour se jeter sur son arc. Mais un des arbalétrier lui décoche un carreau dans le bas du dos. L’éclaireur rampe, encoche une flèche et tire dans l’oeil du malandrin avant de recevoir un second carreau. Un des chasseurs tranche dans le flanc du canasson, faisant tomber Anastasia sur la terre rêche. Un autre bondit sur elle pour la transpercer. Elle roule sur le côté et lui assène un coup d’estoc droit dans l’estomac. Elle repousse son corps avant de se relever. Face à elle, son second adversaire la jauge. Il fond sur la barbare. Anastasia semble danser, esquivant chaque coup. La voilà dans le dos de son ennemi. Elle fend son buste de l’épaule à la hanche, irriguant la terre de son sang. Le dernier des chasseurs debout prend la fuite. Lyon bande son arc : dans la jambe. Le fuyard part en titubant dans le bois. Lyon lance Silver à sa poursuite. Un cri de douleur parcours la sylve.

Pendant ce temps, Cartus traîne avec difficulté le corps du Comte et le dépose aux pieds du lit. Les jeunes femmes ne parlent pas, comme incapables d’émettre un son. Elles restent prostrées en regardant les trois intrus. Accacius commencent à fureter dans la pièce. Il attrape une poignée de joyaux traînant sur la table de chevet sculptée dans un bois brute. Le magicien se concentre, tentant à nouveau de briser l’illusion. Soudain, une des femmes se lève. Elle fait quelques pas avant de s’effondrer en un tas de charbon et de glaise. La seconde jeune femme ne tarde pas à disparaître également. Une odeur de poussière s’installe, accompagnant la décomposition instantanée des corbeilles de fruits. Cartus observe la pièce, sombre et insalubre. Accacius se rapproche du Comte. Il en est sur, cet homme a rencontré l’Oeil Rouge…

- “Merci pour votre aide… Au fait, on me nomme Mésange”, dit le conseiller en s’accroupissant au dessus de son seigneur.

- “Allez-vous nous aider à présent ?”, demande Cartus en détachant l’étoffe de son buste.

- “Pas tant que le Comte sera dans cet état”, dit Mésange.

Le Comte dort d’un sommeil agité, comme tourmenté par un cauchemar.

- “Il semblerait que le Comte ait rencontré la mauvaise personne”, dit Accacius en commençant à compulser différents ouvrages. “Je pourrais peut-être le libérer de ce sortilège grâce à un rituel. Mais il me faut puiser dans un lieu de pouvoir”, poursuit le magicien en suivant un paragraphe de son index. “Là ! D’après ces écrits, il y avait un temple elfique dans le comté voisin…”

Dans les bois, Anastasia est penché au dessus de son cheval. La pauvre bête souffre le martyre. Lyon apparaît derrière elle, traînant par le col le fugitif.

Illustration du header by Kim Chan Ho

par Niels Sarys