Red Dead Redemption 2 : Rockstar VS l'industrie vidéoludique

Le voilà enfin. 8 ans après la sortie du premier opus, Rockstar Games nous offre un préquel aux aventures de John “Fucking” Marston. Autant dire que je n’avais pas vu un jeu autant faire parler de lui depuis… GTA V. Car il n’y a que R* pour proposer une œuvre aussi monumentale. Nous allons découvrir ensemble si, au delà de la technique, R* a réussi à donner une suite au jeu qui a marqué tant de joueurs.

Une technique quasi-irréprochable

Red Dead Redemption 2 est sorti le 26 octobre 2018 sur Xbox One, Xbox One X, PS4 et PS4 Pro. Et la première chose que je me suis dit est : “Comment ça peut tourner sur PS4 ?”. La console souffle comme une locomotive mais ça fonctionne. C’est une claque visuelle, tant dans la technique que dans la direction artistique. On pardonnera quelques bugs et animations bien forcés, les PNJ faisant 10 pas avant de mourir, histoire de lancer l’animation à l’endroit prévu. Le jeu se dévoile timidement, ne laissant apparaître les premières étendues sauvages qu’après plusieurs heures passées dans le blizzard. Mais une fois ce premier chapitre terminé, le jeu nous offre certains des plus beaux panoramas vidéoludiques. La vue offerte lorsque l’on redécouvre Cholla Springs et le Rio Bravo du haut de la falaise est fantastique. Les effets de lumière sont très travaillés, offrants des ambiances variées selon la région, le climat ou l’heure de la journée. Mais ce magnifique open-world peut dérouter plus d’un fan de GTA et autres sandbox. Car cet open world N’EST PAS un bac à sable, il s’agit bien là d’un immense décor taillé pour les balades à cheval, les gunfights et les rencontres tarantinesques. Aux antipodes d’un Assassin’s Creed Odyssey qui propose un véritable terrain de jeu aux multiples attractions, Red Dead Redemption veut uniquement nous immerger dans la naissance de l’Amérique moderne et nous raconter l’histoire de leurs personnages, des parias, vestiges d’une époque révolue.

La proposition

Le jeu nous met dans la peau d’Arthur Morgan, bras droit de Dutch Van der Linde, chef d’une bande de criminels et autres charlatans que nous allons apprendre à connaître. Au sein de cette véritable famille, on retrouve le jeune John Marston, sa future femme et son fils Jack. Et oui, comme je disais, c’est un préquel au premier opus. Et ce préquel est le bienvenu ! Il apporte une véritable profondeur au personnage de Jack Marston, nous aidant à comprendre beaucoup des choix fait dans le premier volet. On suit donc la joyeuse bande dans son éternelle fuite. J’ai entendu beaucoup de critique sur le scénario, mais j’ai aimé voir le charismatique Dutch envoyer tout ce beau monde droit dans le mur. Comme Arthur, j’ai voulu y croire du début à la fin. Comme Arthur, je savais dès le début que ça ne pourrait pas bien se finir. Arthur Morgan est un porte-flingue recueilli dès le plus jeune âge par Hosea et Dutch. Autant le dire, Arthur a un problème avec la modernité, comme le montre son dégoût pour la ville de Saint Denis. Et je pense que c’est le véritable message du jeu : un monde qui va de plus en plus vite et broie ceux qui s’y opposent (ce qui est assez drôle si on fait le parallèle avec la polémique autour du crunch)

RDR2 vs The World

A contre courant de l’industrie vidéoludique actuelle, Red Dead Redemption 2 prend son temps pour nous raconter une histoire ; il prend son temps tout court. L’action est distillée, découpée de façon quasi naturaliste (ouvrir un placard, prendre les objets un à un, faire cuire de la viande, nettoyer ses armes, etc.). On prend également le temps de voyager, d’explorer, de se promener en découvrant la beauté des paysages américains. R* nous offre un jeu totalement déconnecté des blockbusters actuels : des expériences rapides ne laissant pas le temps au joueur de s’ennuyer (voir Fortnite et autres Black Ops). Les hors-la-loi rattrapés par le monde moderne, c’est en quelque sorte une métaphore de Red Dead Redemption lui même, un jeu qui ose prendre son temps et laisser une place à l’ennuie et la contemplation à l’heure de l’économie de l’attention. Et c’est tant mieux, mais je comprends que ça n’ait pas plus à beaucoup. Personnellement j’apprécie beaucoup l’errance, l’attente ou l’exploration dans les jeux. J’ai beaucoup joué à Arma 3 sur des serveurs milsim. Sur une partie de 3-4 heures, on peut avoir 3 heures de préparation (briefing, observation, approche, attente des autres équipes), puis vient l’attaque, on frappe en à peine 15 minutes. Moi, je trouve ça grisant. RDR 2, c’est un peu ça. On se surprend à explorer les environs, passer à côté d’une habitation isolée et commencer à observer les allées et venues des occupants pour les cambrioler au moment opportun. Idem pour la chasse. Chasser un animal légendaire, c’est tout une aventure. On pense partir pour une brève mission secondaire. Mais nos recherches prennent du temps, on fait des rencontres inattendues, on se retrouve à court de munitions face à l’énorme créature… et on finit tâché de sang, portant sa carcasse jusqu’à la ville la plus proche. Red Dead Redemption 2, c’est aussi un jeu cryptique. Cryptique jusque dans ses mécaniques, à peine expliquées pour la plupart. Alors on teste, on expérimente, on découvre que l’on peut tirer en l’air avec son arme pour effrayer ses quelques loups affamés, que le meilleur moyen de laver ses vêtements est de plonger tête la première dans le Rio Bravo.

Un monde organique

Et ce monde taillé pour la découverte est garnie de vies. Des vies avec des routines, des personnalités et des réactions diverses et variées. Tout est très organique dans RDR2. Les rencontres aléatoires et les missions secondaires sont amenées avec tellement de naturel qu’on ne voit la différence avec l’histoire principale que par l’envergure des missions. Les habitants interagissent avec vous, vous donnant l’impression de faire parti d’un tout cohérent. Et comme les éléphants, ils n’oublient jamais. Braquez un honnête armurier, et vous serez reçu tout autrement la prochaine fois que vous passez le seuil de son commerce. Dans la grande ville de Saint-Denis c’est tout le contraire, on a l’impression d’être complètement étranger à ce monde moderne. Les passants vous regardent de travers, vous et vos bottes crasseuses. Tenter de répondre par la violence à Saint-Denis et on vous fera vite comprendre qu’ici ce n’est plus le farwest. Et la faune n’est pas en reste. Proies et prédateurs interagissent, donnant vie à une nature sauvage et dangereuse. Mais ce qui m’a marqué, c’est surtout le système de recherche.

La loi et l’ordre

J’ai vraiment apprécié le système de recherche, punitif et réaliste. Quand vous commettez un crime, plusieurs scénarios sont possibles. Si vous vous faites discret, des témoins découvrent plus tard la scène de crime, lançant les représentants de la loi sur la piste d’un inconnu. Si vous portez un masque et vous faites remarquer, ils vous recherchent sans connaitre votre visage, se laissant guider par une description approximative (changer de vêtements leur rendra la tâche plus difficile). Si le délit n’est pas grave, ils vous menacent et vous demandent de quitter les lieux dans les plus brefs délais. Le jeu apporte plus de variété que GTA V où bousculer un policier et tuer 30 personnes implique la même sentence. R* retranscrit parfaitement la vie d’un renégat. Plus la prime sur votre tête sera élevée, plus les chasseurs de prime de la région mettront les moyens pour vous retrouver. La première fois que vous apercevez une dizaine de chasseurs de prime et leurs chiens de chasse rôder à proximité de votre campement de fortune, je peux vous dire que la tension monte et qu’ils ne sont pas prêt de lâcher les 800$ de récompense. Bien évidemment, il vous sera possible de payer votre amende, et je trouve que sur ce point R* a fait une erreur. Dans le premier opus, il nous fallait des lettres de grâce pour acheter notre liberté. Ces objets étaient assez rare pour créer une tension chez le joueur : enfreindre la loi avait un coût certain et les chances de repentance étaient limitées. Mais dans RDR2, payer sa dette envers la société est aussi simple que d’acheter un ticket de train. Il est donc impossible pour le joueur de faire des choix moraux avec des conséquences. On peut bien tuer quelques passants pour le fun. Un p’tit billet et tout rentrera dans l’ordre. Mais Red Dead c’est aussi sauver la veuve et l’orphelin et c’est là que le jeu devient réellement agréable. Comme dans Fallout 4, j’ai commencé à apprécier l’histoire quand j’ai compris où R* voulait en venir. On incarne un bandit cherchant la rédemption. J’ai alors commencé à la jouer roleplay. Arthur Morgan aide son prochain, mais quand les ennuies arrivent, il ne connaît qu’une seule réponse, la violence. Je me suis mis dans la peau d’un type qui aimerait être quelqu’un de bien mais n’y arrive jamais. Et la fin à laquelle j’ai eu droit est de mon point de vue la plus logique, la seule qui mène Arthur vers la rédemption.

Red Dead Deception Online

Après avoir terminé la trame principale de RDR2, il était temps de me lancer sur la beta du online fraîchement disponible. J’ai passé beaucoup de temps sur GTA Online. Avec des amis, c’est fun, même si beaucoup de choses m’avaient dérangé : les joueurs trop agressifs, les contenus qui allaient de plus en plus vers du Saint Raw 4 (voitures volantes, univers virtuels et costumes plus absurdes les uns que les autres). Moi ce que je voulais, c’était jouer roleplay, jouer des malfrats préparant scrupuleusement leurs braquages et réglant leurs comptes avec les autres gangs. J’avais donc de grands espoirs de voir tout cela dans RDRO. D’ailleurs, la communication autour du online confirmait cette volonté de mettre en avant le roleplay et la coopération. Mais les premières heures n’ont été que déception. Mon personnage, Niels Van Sarys, débarque de sa campagne hollandaise pour botter des culs. La création du personnage est plutôt sympa. Dans GTA Online, tous les personnages se ressemblaient. Ici, on peut créer des personnages aux tronches patibulaires dignes des meilleurs western. Me voilà au beau milieu du pénitencier de Sisika. Très vite, le scénario m’en fait sortir. Après quelques dialogues loin d’être captivant, je me rends compte que mon personnage ne parlera pas, comme dans GTA Online. Et je vois déjà les problèmes arriver. Dites au revoir aux interactions avec les PNJ, vous ne pouvez ni les saluer, ni les provoquer, et encore moins les menacer pour leur soutirer de l’argent. Déçu, je me dirige donc vers Black Water pour réaliser quelques missions. Je dois voler des chevaux, dans une mission coopérative instanciée. Le matchmaking fonctionne du premier coup, bravo R*. Mes trois compagnons ont la classe. Nous chevauchons jusqu’au ranch, et passons à l’attaque. A part quelques problèmes de synchronisation des animations, la mission est grisante. Retour au mode libre. Et là, l’enfer du jeu vidéo moderne. Black Water et toutes les autres villes de la map deviennent de grands champs de bataille où les joueurs s’entretuent à n’en plus finir. Et c’est chiant. Je me dirige vers un PNJ qui a une mission pour moi, mais deux joueurs me tuent dès que j’essaie de l’approcher. Et je me retrouve obligé de fuir la ville, sans cheval (car il a aussi été tué). Rien dans le gameplay n’invite au roleplay et à la coopération. De plus, on retrouve ce maudit radar indiquant la position des joueurs en temps réel. On peut donc dire adieu à toutes possibilités d’utiliser ce grand environnement pour tendre des embuscades, semer ses adversaires où choisir le meilleur endroit pour cacher son campement. De plus, ne pas avoir de chat vocal spatialisé dans un open world en 2018, c’est très frustrant. Rust le fait, Dayz le fait, Sea of Thieves le fait. Mais pas Red Dead Online. Vous entendrez donc constamment les voix de tous les joueurs, qu’ils soient devant vous où à l’autre bout de la carte. Quelle immersion…

Le problème de Red Dead Online, c’est qu’il va à l’encontre de la proposition du solo. Là ou le solo nous fait redécouvrir les plaisirs de l’errance et de la découverte, le online retombe dans les travers des jeux actuels, une sorte d’antichambre des enfers remplie de joueurs gavés de redbull dont la seule source d’amusement est d’écraser leurs adversaires dans de courts affrontements.

Les gars. Allez donc vous défoulez sur le dernier Battle Royal à la mode et laissez-nous mener nos troupeaux à travers les verts pâturages de West Elizabeth.

J’aurai préféré un coop 6 joueurs immersif, dans la veine du solo, plutôt que ce GTA Online avec un skin de cowboy. Espérons que Rockstar fasse de judicieuses modifications ;)

par Niels Sarys